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Haïti

Haïti étouffe sous le poids du clientélisme footballistique

Le football haïtien traverse l’une des périodes les plus sombres de son histoire. Ce n’est pas à cause d’un manque de talent ni d’un déficit de passion populaire, mais bien en raison d’une gestion opaque, clanique et désintéressée du développement réel de ce sport. À l’heure où des nations de même niveau émergent grâce à une structuration efficace, Haïti reste engluée dans des pratiques dignes d’un autre âge.

Depuis la suspension de l’ancien président Yves Jean-Bart (Dadou), la FIFA a instauré un comité de normalisation censé gérer les affaires courantes et préparer la tenue d’élections. Mais quatre ans plus tard, non seulement ces élections ne sont toujours pas organisées, mais le comité semble s’être installé dans une posture de confort, répondant uniquement aux directives de la FIFA, sans rendre de comptes au pays. Pire encore, toute tentative de remise en question est balayée d’un revers de main par des réponses bureaucratiques ou de fausses feuilles de route.

Ce statu quo est aggravé par l’inaction, voire la complicité, d’une partie des acteurs du football haïtien qui, au lieu de s’unir pour refonder le système, ont préféré défendre des intérêts personnels, allant jusqu’à plaider en faveur de Dadou auprès de la FIFA. Résultat : aucune réforme structurelle, aucun congrès extraordinaire, aucune volonté de changement. Le comité reste en place, et la sélection nationale, tant masculine que féminine, continue de végéter dans le chaos.

Cette dérive a des conséquences directes sur les performances sportives. Des joueurs talentueux comme Jean-Ricner Bellegarde, qui évolue en Premier League, ou d’autres jeunes issus de la diaspora, envoient des signaux clairs de leur volonté de représenter Haïti. Mais aucun effort concret n’est fait pour les intégrer à un véritable projet national. À la place, on continue de privilégier des joueurs de seconde zone, parfois liés à des membres du comité ou à des clans internes, au détriment de l’intérêt collectif.

Le copinage a remplacé la compétition. Des joueurs qui ne jouent plus ou qui sont régulièrement blessés restent pourtant titulaires indiscutables, pendant que d’autres, performants dans des ligues solides, sont ignorés. Les entraîneurs souvent choisis pour leur soumission plutôt que leur compétence servent davantage de paravent à une direction sans ambition que de chefs de projet sportif. La sélection n’est plus un miroir du potentiel du pays, mais un reflet de ses divisions et de ses trahisons.

Le cas de la sélection féminine est tout aussi révélateur. Nicolas Delépine, l’artisan de la qualification historique à la Coupe du monde, a été poussé vers la sortie. Son remplaçant, Gonçalves, désormais entraîneur de l’Olympique de Marseille Féminin, y brille avec plusieurs joueuses haïtiennes. Une réussite qui devrait inspirer, mais qui ne suscite aucune réaction de la part des responsables actuels. Pourtant, Malou Quinette, qui lui a succédé, a déjà perdu plus de 50 % des matches joués avec Haïti. Pendant ce temps, certains joueurs, choisis pour leurs liens familiaux plutôt que pour leur talent, continuent d’être titularisés.

Il est temps de dire stop. Le football haïtien a besoin de se réveiller. Ce comité de normalisation ne peut plus rester en place sans légitimité ni responsabilité. S’il ne peut pas organiser des élections, alors il doit se retirer. Que des élections transparentes aient lieu. Que des dirigeants élus, compétents et engagés prennent le relais. Et que l’on bâtisse enfin un football digne de ce nom, à l’image du peuple haïtien : résilient, passionné, ambitieux.

Le réveil viendra, c’est inévitable. Mais plus il tarde, plus les dégâts seront profonds. À ceux qui dirigent aujourd’hui sans mandat : votre devoir n’est pas de durer, mais de servir. Retirez-vous. Le football haïtien n’est pas votre propriété. C’est l’âme d’un peuple. Respectez-la.

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