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Haïti

Des ailes pour quelques-uns, la misère pour tous

Le 5 juin dernier, l’État haïtien a paraphé un protocole d’accord avec la compagnie Sunrise pour relancer les vols internes entre Port-au-Prince, le Cap-Haïtien, Jacmel et Jérémie. L’accord prévoit jusqu’à 11 millions de dollars américains en subventions publiques. Ce qui pourrait, sur le papier, sembler être une initiative pour renforcer la mobilité nationale cache en réalité une décision politique profondément déconnectée des réalités sociales et économiques de la majorité des Haïtiens. À qui profitera vraiment ce projet aérien, alors que le pays est cloué au sol ?

Depuis plus de quatre ans, la route nationale menant vers le Sud qui dessert des départements entiers est bloquée. Dans l’Artibonite et le Centre, d’autres axes stratégiques sont également hors de contrôle, devenus zones rouges, dominées par des groupes armés. Les Madan Sara, ces femmes vaillantes qui assurent une part essentielle de l’économie informelle du pays, sont prises en otage par la violence et la peur. Les familles sont isolées. Les produits agricoles pourrissent faute de pouvoir être acheminés.

Pendant que la terreur dicte sa loi sur les routes, l’État semble avoir détourné le regard, préférant injecter des millions dans une solution élitiste qui ne s’adresse qu’à une infime portion de la population.

Le prix moyen d’un billet d’avion domestique en Haïti dépasse largement le revenu mensuel de la majorité de la population. Selon les données les plus récentes, plus de 70 % des Haïtiens vivent avec moins de 2 $ US par jour. Dans ce contexte, le transport aérien ne représente pas un service public accessible, mais un luxe réservé aux privilégiés.

Pendant ce temps, la misère s’approfondit :

Faim aiguë : Haïti fait désormais partie des pays les plus affectés par l’insécurité alimentaire selon le Programme alimentaire mondial.

Chômage de masse : L’économie formelle s’effondre. Les jeunes diplômés sont livrés à eux-mêmes, sans perspectives.

Exode et désespoir : Des milliers de personnes prennent la République dominicaine, les USA, le Mexique et autres comme recours, alors que beaucoup n’arrivent jamais.

Face à cette crise multidimensionnelle, le choix de soutenir un opérateur aérien sans s’attaquer aux racines de l’effondrement social paraît non seulement cynique, mais aussi économiquement injustifiable. Comme le souligne l’économiste Enomy Germain, ce type de subvention renforce une position monopolistique, sans garantir une amélioration globale de la connectivité ou des conditions de vie.

Le peuple d’en bas n’a pas d’ailes

Il faut rappeler que la mobilité en Haïti ne devrait pas être un privilège. Restaurer la libre circulation sur terre est une priorité absolue. Les 11 millions de dollars alloués à ce protocole d’accord auraient pu être investis dans :

La pacification du pays,

La réhabilitation des axes routiers critiques,

La sécurisation de corridors économiques,

Le renforcement du transport public terrestre,

Le soutien aux petites entreprises locales affectées par l’insécurité.

Mais ce qui fait le plus défaut aujourd’hui, c’est une vision politique centrée sur le bien commun.

Alors que le pays souffre, que des enfants se couchent le ventre vide, que des mères pleurent des fils disparus dans des zones contrôlées par les gangs, que des régions entières sont isolées, le gouvernement choisit de financer une compagnie aérienne. Cette décision traduit une déconnexion tragique entre les priorités des dirigeants et les urgences du peuple.

Subventionner les airs alors que le peuple rampe dans la boue, ce n’est pas de la gouvernance. C’est un aveu d’échec. Et tant que les Haïtiens resteront otages sur leur propre territoire, aucune altitude ne sauvera la nation.

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