En lançant un ultimatum de deux semaines au Conseil présidentiel de transition (CPT), Jean Charles Moïse, leader de Pitit Dessalin, remet en scène une stratégie politique bien connue des Haïtiens : l’art de s’éclipser à temps pour revenir en héros des rues. Depuis l’intégration d’Emmanuel Vertillaire au sein du CPT, il y a un an, le parti bénéficiait d’un accès au cœur du pouvoir. Mais face à une transition qui peine à répondre aux attentes populaires, surtout sur le plan sécuritaire, voilà que Moïse s’agite à nouveau, menace, et prépare la reprise du flambeau de la « mobilisation ».
Certes, l’impuissance du CPT et du gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé à contenir les gangs et rétablir l’ordre public est patente. La frustration du peuple est légitime. Mais derrière les discours enflammés de Jean Charles Moïse, beaucoup y voient une manœuvre calculée : une tentative de quitter le navire avant son naufrage afin de mieux se repositionner pour la « prochaine transition », comme on dit en Haïti.
Le schéma est devenu familier : participation à un gouvernement ou à une structure de transition, puis désaveu, appel au retrait, et retour à la rue pour incarner la contestation populaire. Cette approche, aussi stratégique soit-elle pour Pitit Dessalin, participe d’un cycle politique toxique où l’instabilité est entretenue, les institutions fragilisées, et la volonté populaire manipulée.
Jean Charles Moïse n’est pas seul à user de cette tactique, mais il en est un maître. Pourtant, le peuple haïtien mérite plus que ces jeux de pouvoir à répétition. Il a besoin de leadership responsable, cohérent et courageux, surtout en ces temps de crise où l’insécurité gangrène le pays.
Alors qu’Haïti peine encore à trouver le chemin d’une transition véritable, fondée sur l’efficacité et la crédibilité, il est impératif que les intérêts personnels cessent de primer sur l’intérêt collectif. La classe politique — Jean Charles Moïse y compris — doit rompre avec ces méthodes dépassées et s’engager de manière honnête et responsable dans la reconstruction du pays. Faute de quoi, le peuple continuera d’en subir les conséquences à travers le cycle infernal des crises répétées.