Le rapport explosif de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), publié le jeudi 8 mai, jette une lumière crue sur de graves malversations financières ayant eu cours à l’Office de la Protection du Citoyen (OPC) entre 2019 et 2024. L’enquête pointe directement l’ancien Protecteur du Citoyen, Me Renan HÉDOUVILLE, et plusieurs membres de son entourage immédiat dans ce que l’ULCC qualifie de « système organisé de détournement de fonds publics ».
16,6 millions de gourdes pour des voyages fictifs
L’un des volets les plus accablants du rapport concerne la manipulation de missions officielles. Sur 17 voyages prévus entre 2022 et 2024, 10 n’ont jamais été réalisés. Pourtant, l’OPC a tout de même procédé à des décaissements massifs pour des billets d’avion et des per diem. Selon l’ULCC, ce stratagème aurait permis le détournement d’environ 16,6 millions de gourdes, répartis comme suit :
7,4 millions de gourdes pour l’achat de billets d’avion,
9,2 millions de gourdes pour des per diem versés à l’occasion de missions jamais effectuées.
Les principaux bénéficiaires
Les per diem perçus indûment sont répartis entre plusieurs hauts responsables de l’OPC, dont les montants suivants ont été identifiés :
Renan HÉDOUVILLE : 2,074,680 gourdes
Régine HÉDOUVILLE (Directrice de Cabinet) : 1,884,780 gourdes
Tex Willer Célafoi LOUIS : 1,533,780 gourdes
Juliana Thomas SIMPLICE (ex-Administratrice) : 1,365,480 gourdes
Jean Jolin DODIER : 1,005,450 gourdes
Mimose MOYARD : 721,980 gourdes
Hugues NARCISSE (Comptable en chef) : 567,450 gourdes
Des fournisseurs complices ?
L’Agence Sans Souci, fournisseur de billets d’avion pour l’OPC, est également mise en cause. L’ULCC a identifié 7,438,380 gourdes versées à cette agence entre 2022 et 2024 pour des voyages qui, selon l’enquête, n’ont jamais eu lieu.
Appel à l’audit et aux poursuites pénales
L’ULCC recommande un audit approfondi par la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) couvrant les exercices fiscaux de 2019 à 2024. En parallèle, elle appelle à l’ouverture de poursuites judiciaires contre Renan HÉDOUVILLE pour des infractions graves telles que :
Détournement de biens publics,
Abus de fonction,
Passation illégale de marchés publics,
Entrave à la justice.
Toutes ces infractions sont punies par la loi anticorruption de mars 2014, toujours en vigueur.
Une institution détournée de sa mission
Créée pour protéger les droits fondamentaux des citoyens, l’OPC se retrouve aujourd’hui éclaboussée par un scandale qui révèle un détournement complet de ses ressources à des fins privées. La crédibilité de l’institution est sérieusement compromise, et la justice est désormais attendue pour rétablir l’ordre et la légalité.
Le rapport de l’ULCC représente un jalon important dans la lutte contre l’impunité en Haïti. Il reste toutefois à déterminer si les autorités judiciaires disposeront de la volonté et des ressources nécessaires pour transformer ces recommandations en mesures concrètes. Pendant ce temps, l’ex-protecteur du citoyen et sa famille demeurent introuvables.