Deux membres influents du Congrès américain, Gregory W. Meeks et Sheila Cherfilus-McCormick, ont exprimé leurs réserves face à la volonté du Département d’État de désigner les gangs haïtiens comme organisations terroristes étrangères (FTO), sans stratégie globale d’accompagnement. Dans une lettre adressée au secrétaire d’État Marco Rubio en fin de semaine dernière, ils ont mis en garde contre les effets potentiellement néfastes d’une telle mesure sur l’aide humanitaire en Haïti.
Les deux parlementaires reconnaissent la nécessité de lutter contre les groupes armés responsables des violences généralisées. Toutefois, ils dénoncent une démarche précipitée, qui pourrait, selon eux, aggraver la crise humanitaire. « Une telle désignation, sans plan clair de démantèlement des réseaux criminels ni soutien à la population, risque d’être contre-productive », ont-ils souligné.
Selon Meeks et Cherfilus-McCormick, une classification comme FTO entraînerait des sanctions juridiques et financières automatiques, susceptibles d’empêcher les ONG et agences internationales d’intervenir dans les zones les plus touchées. « Si l’aide ne peut plus atteindre 85 % de Port-au-Prince ou de l’Artibonite, ce sont les Haïtiens et non les gangs qui en subiront les conséquences », préviennent-ils.
Ils citent en exemple les impacts déjà visibles de la réduction du financement de certains programmes de santé, comme le projet Enhanced Health Services Delivery, qui a bénéficié à plus de 3 millions de personnes, dont 20 000 vivant avec le VIH.
Face à cette situation, les élus démocrates plaident pour une approche plus ciblée, basée sur des sanctions individuelles contre les acteurs politiques et économiques complices de l’insécurité. Ils saluent les sanctions imposées à l’ancien président Michel Martelly en août 2024 et appellent à l’adoption d’un projet de loi bipartisan introduit en 2025 : la Loi sur la transparence en matière de collusion criminelle en Haïti.
Ce texte vise notamment à :
Identifier les individus finançant ou armant les gangs ;
Imposer des sanctions financières et des interdictions de visa ;
Publier un rapport annuel sur les réseaux politico-criminels en Haïti.
Pour rappel, une désignation comme organisation terroriste étrangère entraîne le gel des avoirs, l’interdiction de soutien matériel et des sanctions pénales pour toute assistance. Bien qu’efficace contre certains groupes, cette mesure peut aussi freiner l’acheminement de l’aide dans les zones contrôlées par les gangs.
En somme, Meeks et Cherfilus-McCormick appellent à une réponse américaine « forte et intelligente », soulignant que « prendre des mesures symboliques sans fondement stratégique risque d’isoler davantage le peuple haïtien, déjà pris en otage par les gangs ».