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Parmi un échantillon de 20 personnes âgées de plus de 60 ans, 17 ne possèdent pas leur carte d’identité nationale, selon une récente enquête réalisée par la rédaction de NAM-HAITI. Bien que ce chiffre provienne d’un groupe restreint, il met en lumière une réalité préoccupante à l’échelle nationale : des milliers de citoyens âgés se retrouvent privés de ce document officiel, essentiel non seulement pour accéder à des services de base, mais aussi pour exercer leur droit de vote, un pilier fondamental de toute démocratie.
En Haïti, la carte d’identité nationale (CIN) est obligatoire pour s’inscrire sur les listes électorales, ouvrir un compte bancaire, accéder aux soins de santé publique, ou encore percevoir des aides sociales. Pourtant, pour de nombreuses personnes âgées, l’obtention de cette pièce s’avère être un véritable parcours du combattant. Malgré des tentatives répétées pour régulariser leur situation auprès de l’Office National d’Identification (ONI), elles se heurtent à de nombreux obstacles bureaucratiques, allant de la lenteur du traitement des dossiers à des comportements discriminatoires.
Des paroles choquantes, des refus injustifiés
Dans certaines régions, des témoignages accablants rapportent que des agents de l’ONI auraient tenu des propos dénigrants envers des personnes âgées venues demander leur carte. Des phrases comme : « Kote w te ye dat sa a pat fè kat la? Kounya, kite espas la pou jèn yo fè kat, se mouri nou pral mouri » (« Pourquoi n’as-tu pas fait ta carte plus tôt ? Maintenant, laisse la place aux jeunes, tu n’en auras plus besoin longtemps. ») illustrent une attitude profondément irrespectueuse. Au-delà de leur violence verbale, ces propos traduisent une mentalité discriminatoire qui marginalise les aînés dans l’espace public et administratif.
Entre résignation et désillusion
Certains aînés finissent par renoncer à leurs démarches, persuadés que leur âge les rend moins concernés par les documents officiels. Comme le confie une femme de 68 ans : « La polis pa kanpe ti granmoun. Malgre ensekirite a, nou ka di nou se privilejye nan lari a. » ( « La police n’arrête pas les personnes âgées. Malgré l’insécurité, on peut dire que nous sommes privilégiés dans la rue. ») Une vision fataliste, nourrie par un sentiment d’abandon, mais aussi par le constat d’une société qui semble reléguer les personnes âgées en marge des politiques publiques.
Une exclusion électorale en perspective
Cette réalité devient d’autant plus préoccupante à l’approche d’échéances électorales importantes. Sans carte d’identité, ces citoyens ne peuvent ni s’inscrire ni voter. Ce phénomène pourrait gravement fausser la représentativité du processus démocratique, en écartant une portion significative de la population, notamment dans les zones rurales et défavorisées, où les obstacles logistiques sont encore plus marqués.
Des solutions nécessaires et urgentes
Face à cette situation, les autorités haïtiennes doivent impérativement agir. Plusieurs pistes peuvent être envisagées :
Des campagnes mobiles d’identification : Des équipes de l’ONI pourraient se déplacer dans les zones reculées, notamment dans les foyers pour personnes âgées ou les quartiers défavorisés, afin de délivrer les cartes sur place.
La simplification des procédures : Il est nécessaire de réduire les exigences administratives pour les personnes âgées, en tenant compte de la difficulté à obtenir certains documents justificatifs.
La formation et la sensibilisation des agents publics : Lutter contre les préjugés et instaurer une culture de respect et de service est crucial, surtout envers les populations les plus vulnérables.
La mise en place de services d’assistance personnalisés : Des accompagnateurs sociaux ou des ONG pourraient appuyer les aînés dans leurs démarches administratives.
Une question de dignité et de démocratie
Garantir à tous les citoyens, quel que soit leur âge, un accès équitable aux droits civiques n’est pas seulement une obligation légale : c’est un impératif moral. En négligeant les plus âgés, c’est toute une mémoire collective que l’on efface peu à peu de la scène publique. Il est urgent de repenser l’organisation administrative de l’identification en Haïti pour la rendre plus inclusive, plus humaine, et plus respectueuse de la diversité de la population.
La question demeure : comment concilier modernisation administrative, égalité des droits et respect des plus vulnérables dans une démocratie encore en quête de stabilité ?