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Haïti

De la table du pouvoir à la rue : le double jeu cynique de Jean-Charles

Jean Charles Moïse, devant une foule chauffée à blanc à Delmas 47 le 18 août 2025, a lancé une nouvelle attaque virulente contre le Conseil présidentiel de transition (CPT), le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé ainsi que la présence étrangère en Haïti. Sur un ton martial, il a déclaré : « Mwen pap dakò ak sa », menaçant même de « prendre les armes » si aucun changement n’est apporté. Il a également annoncé une mobilisation devant l’ambassade américaine et promis de rester dans les rues jusqu’au départ du gouvernement en place.

Mais derrière la véhémence du discours, une réalité bien plus cynique se dessine. Ce n’est pas la première fois que le leader de Pitit Dessalines joue ce rôle de porte-voix de la colère populaire. Il en a même fait un art : l’art de s’insérer dans les rouages du pouvoir, de s’en retirer bruyamment au bon moment, puis de revenir comme héraut de la rue. L’histoire se répète. Encore.

Depuis l’entrée de son poulain Emmanuel Vertillaire au sein du CPT, il y a plus d’un an, Jean Charles Moïse et son parti bénéficient d’un accès stratégique au cœur du pouvoir. Ils ont même hérité de ministères clés, comme celui de l’Agriculture. Mais aujourd’hui, alors que ces privilèges semblent menacés, le chef de parti change de ton. À défaut de garantir des résultats concrets ou de proposer une vision claire, il sort l’arme qu’il manie le mieux : la rue, la menace, l’agitation.

Ce retour à la mobilisation ressemble moins à un sursaut démocratique qu’à une tentative bien orchestrée de repositionnement. Une fuite en avant. Il s’agit de quitter le navire gouvernemental avant son naufrage pour mieux se présenter, demain, comme le sauveur de la « prochaine transition ». En Haïti, ce scénario est devenu une mécanique bien huilée.

Mais à force de jouer avec le feu de l’instabilité, les conséquences se font de plus en plus lourdes pour le pays. Le CPT et le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé peinent à restaurer l’ordre. Les gangs contrôlent toujours de larges portions du territoire, l’insécurité dévaste les foyers, et l’État s’effondre. Le peuple, épuisé, mérite autre chose que cette danse macabre de politiciens sans vision.

Jean Charles Moïse n’est pas le seul à user de cette stratégie, mais il en est l’un des plus aguerris. Reconnu pour sa virulente opposition à Jovenel Moïse, il avait conquis une partie de l’opinion. Mais depuis son alliance avec Ariel Henry, puis sa participation directe au CPT, sa popularité s’est érodée. Le peuple n’est pas dupe. Il sait désormais faire la différence entre une lutte sincère et une posture intéressée.

Ce qu’il faut à Haïti aujourd’hui, ce ne sont pas des hommes politiques caméléons, mais des leaders capables de cohérence, de responsabilité et surtout de courage. Un courage qui ne se limite pas à haranguer la foule ou à menacer les institutions, mais à construire, à dialoguer et à prendre des décisions difficiles au nom du bien commun.

L’heure n’est plus aux jeux de pouvoir. L’heure est à la reconstruction. Et pour cela, il faut cesser de répéter le même cycle infernal : intégrer le pouvoir, s’en désolidariser, puis revenir dans la rue comme si rien n’avait été. Ce schéma n’est pas une solution. C’est une impasse. Et Haïti n’a plus le luxe de s’y perdre.

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