En observant le paysage politique haïtien, une constatation s’impose : la fragilité du pouvoir élu contraste de manière frappante avec la stabilité relative des gouvernements de transition. Au fil des ans, les présidents élus, souvent porteurs d’espoirs et de promesses de changement, ont souvent vu leurs mandats s’effondrer dans une tourmente de troubles politiques. À l’opposé, les gouvernements de transition, malgré leur manque de légitimité électorale, semblent déjouer les attentes en termes de longévité, sans pour autant offrir de solutions concrètes aux problèmes urgents du pays.
Depuis la chute du Duvaliérisme, Haïti a connu une succession d’élections marquées par des espoirs déçus. Les présidents, issus d’un processus démocratique, se sont souvent retrouvés confrontés à des crises profondes, contestations de résultats, mobilisations sociales, révoltes populaires, et parfois des tentatives de coups d’État. Ces troubles résultent fréquemment d’une déconnexion entre les promesses électorales et la réalité sur le terrain, notamment en ce qui concerne la pauvreté, la criminalité, et la corruption.
Les présidents comme Jean Bertrand Aristide, ou Jovenel Moïse, assassiné en juillet 2021, ont tous deux tenté de mener des réformes. Cependant, la méfiance envers les élites politiques et l’absence de progrès tangible sur des enjeux cruciaux ont fini par éroder leur soutien. Dans un contexte où le peuple exprime son désespoir, lesdits présidents se retrouvent souvent isolés, incapables de gouverner efficacement.
À l’inverse, les gouvernements de transition, qui naissent souvent de situations d’instabilité ou d’urgences politiques, semblent trouver un certain confort dans l’immobilisme. Ces administrations, malgré leur caractère temporaire, parviennent à conserver une apparente stabilité, souvent grâce à la neutralisation des contestations par des promesses d’élections futures ou d’améliorations à venir. Le dernier gouvernement de transition, établi après la crise politique engendrée par l’assassinat de Jovenel Moïse, a su naviguer à travers des eaux troublées sans être véritablement mis en cause.
Cette stabilité relative cache pourtant une réalité complexe où le manque de résultats concrets engendre frustration et désillusion. Les gouvernements de transition, tout en évitant les grandes mobilisations de rue, sont souvent critiqués pour leur incapacité à répondre efficacement aux besoins fondamentaux de la population, tels que la sécurité, l’éducation, et le développement économique. Leur légitimité, fondée sur leur capacité à maintenir l’ordre, est souvent remise en question, et leur absence d’ancrage démocratique pose la question de la durabilité de leur pouvoir.
La situation politique en Haïti interpelle sur la nature même de la démocratie et la gouvernance. L’expérience des présidents élus et des gouvernements de transition soulève des interrogations sur la capacité du pays à instaurer une véritable démocratie participative et à créer des institutions solides. La question demeure : comment lever le verrou des troubles politiques pour permettre à un gouvernement élu de mener à bien son mandat ? La réponse résidera peut-être dans une réforme profonde des pratiques politiques haïtiennes, favorisant un dialogue inclusif et des solutions durables face aux défis structurels du pays. En attendant, la population doit naviguer ?