En ce 1er mai 2025, jour dédié à l’agriculture et au travail, met crûment en lumière le fossé grandissant entre les discours officiels et la réalité du pays. Tandis que le président du Conseil présidentiel de transition, Fritz Alphonse, rend hommage aux travailleurs et aux agriculteurs depuis la Villa d’Accueil, les Haïtiens, eux, peinent à survivre dans un climat d’insécurité généralisée, d’effondrement économique et de désespoir quotidien.
Comment parler d’agriculture quand les terres ne sont plus accessibles, que les zones rurales sont livrées aux groupes armés, et que l’État, aujourd’hui comme hier, n’a jamais réellement soutenu ses paysans ? Comment célébrer le travail quand plus personne ne travaille, que les entreprises ferment les unes après les autres, et que l’économie informelle, le trafic ou l’exil sont devenus les seules alternatives viables ?
Depuis près d’un an, le Conseil présidentiel de transition, censé guider le pays vers une sortie de crise, n’a toujours pas réussi à imposer un semblant d’autorité sur le territoire. Les promesses se succèdent, les hommages se multiplient, mais la réalité demeure figée dans la peur et l’impuissance. Le gouvernement n’a même pas accès au Palais national, symbole de souveraineté, contraint de siéger dans un lieu de fortune, tandis que les bandes armées contrôlent les grands axes, les ports, les routes agricoles, et même certaines institutions publiques.
Le 1er mai ne devrait pas être un jour de célébration, mais un moment de vérité. Il faut en finir avec les discours creux, les cérémonies de façade, et affronter le réel : tant que l’État ne reprendra pas un contrôle effectif du territoire, toute politique de relance économique, agricole ou sociale restera lettre morte. Tant que les travailleurs vivront dans la peur et l’oisiveté forcée, toute célébration sonnera comme une gifle à leur dignité.
Ce n’est qu’à travers des actes concrets, une volonté politique ferme et un engagement réel à rétablir l’ordre que le pays pourra redonner un sens au travail, à la production et à la vie. Sans cela, chaque fête ne sera qu’un écran de fumée dans un pays à la dérive.